Préface de « Chatterton » de A. de Vigny
J’ai relu la préface de la pièce de théâtre « Chatterton » écrite par Alfred de Vigny. Ce texte est saisissant, émouvant, tellement qu’il a reçu bien des courriers d’auteurs demandant sa protection ! Véritable hymne à la condition du Poète, il pose la question suivante : quelle est la cause pendante du fait qu’un livre ne puisse changer un cœur, transcender un être en amollissant son coeur endurcit ?
« La cause ? c’est le martyre perpétuel et la perpétuelle immolation du Poète. – La cause ? c’est le droit qu’il aurait de vivre ; – La cause ? c’est le pain qu’on ne lui donne pas. – La cause ? c’est la mort qu’il est forcé de se donner.
D’où vient ce qui se passe ? Vous ne cessez de vanter l’intelligence, et vous tuez les plus intelligents. Vous les tuez, en leur refusant le pouvoir de vivre selon les conditions de leur nature. – On croirait, à vous voir en faire si bon marché, que c’est une chose commune qu’un Poète. – Songez donc que, lorsqu’une nation en a deux en dix siècles, elle se trouve heureuse et s’enorgueillit. Il y a tel peuple qui n’en a pas un, et n’en aura jamais. D’où vient donc ce qui se passe ? Pourquoi tant d’astres éteints dès qu’ils commençaient à poindre ? C’est que vous ne savez pas ce que c’est qu’un Poète, et vous n’y pensez pas. »
« Dernière nuit de travail » du 29 au 30 juin 1834, préface de « Chatterton » de A. de Vigny.
Un peu plus loin, il détail trois sortes d’hommes qui agissent sur les sociétés par des travaux de la pensée. Il parle de « l’homme habile » qui est « l’homme de Lettres », de « l’homme d’une nature plus forte et meilleure » qui est « le véritable, le grand Ecrivain », puis de l’homme à la « nature plus passionnée » : le Poète.
Ce fut pour moi une véritable révélation, et sans aucune exagération, j’ai compris ma vie ce jour, à la lecture de ce texte. Oh, je n’ai que peu de mots pour exprimer cela, aussi ai-je décidé d’offrir une déclamation à ce texte, qui devrait être lu par tous les « grands et dirigeants » de notre humaine société.
En écoutant (ou en lisant) ce texte, peut-être serez-vous frappé par l’une de ces trois nature d’homme. Peut-être vous reconnaîtrez-vous. Peut-être en tremblerez vous, comme j’en ai tremblé.